Maider Fortuné

Maïder Fortuné vit et travaille à Paris.
Aprés avoir créé sa compagnie de théâtre physique en 1998, elle se consacre à la performance et aux arts visuels.

Nourri d’une pratique approfondie du mouvement, son travail interroge les instances d’apparition du geste. Au delà de l ’efficacité attendue de l ’agir et du faire, le corps cherche l’ espace d un geste dans lequel il n ’est plus question de produire mais d ’assumer , de supporter une physicalité poreuse. Le principe de mouvement qui fonde chaque corps y révèle une instabilité, le glissement de l’emprise, la dissolution du définitif de la saisie. Des recoins et fissures d’un corps moule sourd un corps souterrain, une matière en devenir qui donne sa forme comme perpétuel accident. Au travers de mises en scènes épurées, de mouvements ténus attentifs aux fluctuations de l’ infime se dessine un imaginaire à la lisière du fantastique.

Les installations vidéos, ensemble de diverses projections, élaborent à l ’aide d’un important traitement numérique de l’image, les fictions de présences corporelles énigmatiques, présences virtuelles étrangement incarnées dans l ’espace de monstration. Dans une obscurité quasi totale, le spectateur est immergé au coeur d’ univers obsessionnels aux règles autonomes. Avec une attention toute particulière, l ’image inquiète, en s’y ajustant, l ’espace architectural jusqu’à en dissoudre les contours.

Les performances déclinent le même souci de déstabilisation, désir de susciter une perception en décalage avec des habitudes réflexes. Dans une temporalité qui semble retenue sur son axe vertical, le corps expose une fragilité quasi magique mais consciente de ses moyens. Dispositifs d ’adresse, de corps à corps, ses oeuvres proposent l’expérimentation d ’une physicalité a traverser.

TOTEM vidéo 10’ 2001
Un gros plan de visage de cinéma en noir et blanc effectue un mouvement de bas en haut de l’écran évoquant le sautillement d’un jeu de corde ou de marelle, plus ou moins ralenti. Le motif subit des variations tout au long des dix minutes que dure la séquence : variation du rythme du mouvement du corps et variation des mouvements internes à l‘image. Le ralenti évolue peu à peu en scansions qui décomposent le défilement fluide en images presque fixes ; celles-ci « déteignent »les unes sur les autres par effet de filé, de rémanence, défigurant progressivement le visage jusqu’à laisser apparaître fugitivement le squelette qui le soutient. La jeune fille et la mort.

EVERYTHING IS GOING TO BE ALRIGHT vidéo 7 ’ 2003
À l’intérieur d’un cube blanc, un corps quasi nu, saute et rebondit inlassablement sur les trois parois de l’espace fermé. Corps/figure car en somme l’individu a disparu pour n’être que mouvement pur, tentative inouïe de percer des parois, saut qui désire l’échappée (refusée) et ne peut que se renouveler à l’infini de la boucle vidéographique. Le cube blanc qui semble repousser l’humain en même temps qu’il le retient est espace de suffocation. La répétition inlassable du saut (le son qui l’accompagne scande comme autant de coups) rend la promesse de sortie définitivement caduque.

Au delà de la violente contrainte spatiale qui lui est imposé, le corps semble faire l’expérience de son inaliénable créativité. Le mouvement ne se répète jamais, chaque rebond invente un autre corps, une autre ascension et chute, un autre axe de déplacement possible. Et c’est comme si le regard progressivement pris d’hypnose voyait se dessiner, somme de tous ces changements sur les axes de coordonnées spatiales, un point, qui serait celui d’une suspension mobile : entre haut et bas, droite et gauche, proche et lointain, le pont de croisée des possibles trajets, le point d’un vol, immobile mobilité.