Depuis plusieurs années, l’identité transgenre – terminologie traduisant chez une personne la revendication d’une appartenance partagée aux deux sexes, sans considération d’un état-civil de naissance dont il refuse l’arbitraire binaire – affirme notamment sa démarche vindicative dans des cultures alternatives, toujours propice aux positionnements singuliers. Ouvertes sur le brassage des publics, sur le mélange des styles et des matières sonores, les musiques post-punk, new wave et électroniques ont largement contribué à apporter une aura à des artistes militants dont la finesse expressive méritait d’être mise en avant. C’est dans cette idée que la Cité de la Musique accueillera les 25 et 26 novembre les performances live de No Bra/Susanne Oberbeck, du CindyTalk de Gordon Sharpe et de Terre Thaemlitz, trois activistes/performers aux contours aussi plastiquement androgynes qu’artistiquement tourmentés.
En 30 ans de carrière, le projet Cindytalk mené par le chanteur et musicien Gordon Sharp a connu bien des (dés)incarnations.
Démarré en 1982 comme un groupe post-punk né des cendres de la formation The Freeze, Cindytalk voit sa période dark-wave culminé avec l’album Camouflage Heart, avant de basculer à la fin des années 80 dans des expérimentations plus ambient-industrielles (In This World, The Wind Is Strong), déjà accompagnées de passages improvisés au piano et de digressions filmiques.
Transformé en collectif à géométrie variable, Cindytalk traverse les années 90 dans des moutures plus électroniques qui se résumeront au début de la décennie suivante à la seule personne de Gordon Sharp et à des esthétiques de plus en plus abstraites et mutantes, des mélodies bruitées qui trouveront toute leur force symbolique sur le single Transgender warrior (2003), puis sur l’album de poésie noise The Crackle of My Soul, publié seulement en 2009 et qui marquera le début de la collaboration récente et intensive de Gordon Sharp avec le label autrichien Mego.
Comme d’autres artistes, tels Genesis P-Orridge (Throbbing Gristle, Psychic TV) ou Terre Thaemlitz, Gordon Sharp puise dans son identité personnelle les bases d’un activisme transgenre beaucoup plus cathartique cependant.
Ses dernières publications pour Mego (Up Here in the Clouds, Hold Everything Dear), traduisent cette approche abrasive, portée par les textures soniques spectrales et par la voix angoissante de Gordon Sharp qui les sertit.
En live également, cette force chamanique prédomine. Et si le format groupe a été réactivé, c’est en solo que Gordon Sharp/Cindytalk dévoile sa face la plus polarisante.
Derrière sa voix hypnotique, Gordon Sharp nous entraîne dans les fragrances de ses nappes synthétiques et de ses field recordings profonds, les surligne de ses films aux mouvements saccadés. Avant d’aller s’asseoir au piano pour quelques notes jetant un voile intimiste sur ses performances si singulières.
Cindytalk est le projet de l’artiste, musicien, vocaliste et vidéaste d’origine écossaise Gordon Sharp. Gordon Sharp a collaboré avec de nombreux artistes et groupes comme Cocteau Twins, This Mortal Coil (sur le premier album It’ll End in Tears), Kangaroo, Robert Hampson, et publié de nombreux disques. Ses derniers albums, dont le récent Up Here The Clouds, sont parus sur Editions Mego.
Par Laurent Catala - 2011