26 novembre 2010 - Palais de Tokyo - 19.30, 6 euros
ADNOS II, 1979, ARP 2500, diffusion par la compositrice - 72 min
Il n’a jamais été aisé de "ranger" le travail d’Eliane Radigue : compositrice minimaliste au royaume du post-sérialisme et de la musique concrète, elle creuse pendant plus de 30 ans un sillon électronique vierge entre deux pôles jusqu’alors distincts (la stase chez La Monte Young/Phill Niblock/Tony Conrad et le processus graduel chez Philip Glass/Steve Reich), avant d’exclusivement se consacrer depuis 2004 à la composition acoustique au moment même où jamais autant d’œuvres inédites de son répertoire "archéologique" pour bande puis synthétiseur ARP 2500 n’ont fait l’objet de parutions.
Il en va ainsi comme d’une métaphore de son travail méticuleux de composition, que l’on pourrait appréhender à l’aune de l’idée de "décalage perceptif" : musique oscillant entre plusieurs tonalités, au travers laquelle le temps s’éprouve dans toute son élasticité, elle met constamment en jeu l’auditeur qui, lorsqu’il entend un changement s’opérer dans le lent cheminement sonore qui lui proposé, comprend que celui-ci a commencé bien avant qu’il ne le perçoive. Ascétique mais généreuse, spirituelle mais non rituelle, la musique d’Eliane Radigue dessine un espace de méditation aux portes duquel le corps s’efface.
De ce point de vue, Adnos II (que l’on pourrait supposer faire référence au grec αδνος : "saint", à l’origine du prénom Ariane, la "très sainte") est une pièce-pivot dans le répertoire d’Eliane Radigue puisqu’il s’agit de la première œuvre achevée après sa conversion au bouddhisme, au sortir d’une retraite de près de trois ans, le pilier central ce qui peut être considéré comme la trilogie la plus ancienne de la compositrice. Diffusé pour la première fois en 1980 à Mills College (Oakland), Adnos II est donc joué ce soir exactement 30 ans après sa création.
Adnos II condense en lui bien des qualités déjà évoquées. Mais il me semble que sa richesse d’écriture (du tissage savant d’arcs et de courbes sonores au déphasage de pulsations) met à mal, plus que d’autres pièces encore, certaines idées reçues quant au caractère supposément statique d’une musique "infiniment discrète" (Michel Chion). Au terme de 72 minutes, l’auditeur aura accompli un long voyage intérieur, guidé par un fil d’Ariane : la musique intérieure que les sons d’Adnos auront su suggérer en lui.
Maxime Guitton
Nearly the whole work of the minimalistic composer has been written, since the beginning of the 1970s, on a keyboard, modular system ARP 2500. In the era of untouchable music, her music, ascetic but generous, spiritual but not ritual, draws a space for mediation on the threshold of which the body fades away. ADNOS II, taken from her trilogy Adnos, is played 30 years after it was written.
In collaboration with Maxime Guitton